2025

Une nouvelle année commence. Avec elle viendra son lot de surprises, d'étonnements, de découvertes. Je vous passerai les vœux de rigueur, les souhaits de bonheur, le discours sur l'année charnière ou même la prospective. Je n'aime pas ça.

Comme l'a dit un grand sage, qui aurait pu prévoir ? Alors que certains de nos géants de la tech préssentaient que la réalité serait virtuelle et voulaient nous enfermer dans des casques, qu'une partie du marché s'était laissé séduire par la promesse des biens tokenifiés et d'images de singes, la véritable réussite était ailleurs. L'IA emporte tout.

Bienvenue dans un monde qui change

Comme Internet et le WWW avant elle, et bien avant la blockchain, elle devient peu à peu une brique fondamentale. Le sous-jacent de (presque) toute chose, une force transformatrice qui va une nouvelle fois bousculer nos habitudes.

Certains vous diront qu'il faut lutter contre, d'autres que ça ne fait que passer, ou qu'il faut y foncer sans contrainte. J'ai tendance à penser que l'Histoire nous a montré que de tels changements ne peuvent être niés ou ignorés. Ils sont inéluctables. Il faut les comprendre, les accompagner, les apprivoiser, les maîtriser...

... et tenter de ne mettre personne de côté. Ce qui est l'occasion de rappeler que le logiciel, et donc par extension la tech, est politique. Car la manière dont nous déciderons d'embrasser cette révolution sera le reflet de nos valeurs, de nos priorités, de nos décisions, collectives. Ne laissons donc pas ces choix structurants à d'autres.

L'Histoire avance à son rythme

Mais ne nous y trompons pas. Si l'on pourrait simplement admirer le chemin parcouru ces dernières années, la manière dont on est passé de chatbots stupides à des IA qui peuvent produire du contenu sous diverses formes de manière chaque jour un peu plus convaincante, nous faire passer de l'expression d'une idée à un PoC en ligne en quelques minutes, nous sommes en réalité dans une forme de continuité.

Car à travers Internet il y a 30 ans, l'IA aujourd'hui, comme bien d'autres révolutions par le passé, c'est avant tout l'accès à la connaissance qui se transforme. Le réseau des réseaux a permis le partage du savoir à grande échelle, de manière instantanée, Wikipédia. L'IA va changer en profondeur notre manière de l'interroger.

Mais entre temps, Internet est devenu un espace de consommation de masse, de distraction, de manipulation. Il nous faut donc revenir aux fondamentaux, notamment dans la manière de diffuser la connaissance, de la partager entre services.

Il est d'ailleurs intéressant de voir que 2024 s'est terminée avec l'émergence de premières tentatives de standards tels que llms.txt ou MCP.

Knowledge is still the true infrastructure

Si HTML avait été un langage de balisage essentiel au maillage du réseau à travers la création des hyperliens, il avait aussi une vocation de présentation de l'information pour qu'elle soit agréable à lire pour des humains. Ainsi naquit le CSS.

L'émergence des moteurs de recherche avait fait naître quelques initiatives pour structurer les données, des titres à l'organisation des pages, ainsi naquit le SEO. Mais cette approche était centrée sur des besoins spécifiques d'acteurs qui voulaient se placer en intermédiaires dans votre navigation (pour y coller des tas de pisteurs et de publicités).

Les besoins des acteurs de l'IA sont différents. Seule la matière brute de la connaissance les intéresse: le texte, sa hiérarchie, les liens (ce qui ne manquera pas d'affoler nos chers ayants droits qui vont sans doute avoir du mal à changer de modèle, leur dernière grande bataille ayant été d'appliquer la copie privée au matériel reconditionné).

Ainsi, les propositions actuelles tendent à proposer Markdown comme format fondamental d'accès à la connaissance pour les machines: que chaque page HTML dispose de son .md associé, référencés dans un fichier llms.txt. Puis que chaque service en ligne, outil, mette un serveur MCP à disposition pour permettre aux IA de puiser dans leurs fonctionnalités et données afin de renforcer leurs réponses.

L'avenir est-il ici, ou ailleurs ? Nous verrons. Mais il consistera inévitablement à se poser la question de la manière dont nous voulons partager les savoirs, y donner accès, à qui, comment ? Quel modèle de société voulons-nous construire pour permettre la recherche, la création, ne pas tomber dans un monde où des IA nourrissent des IA ?

Vaste programme.

Dubito ergo sum

D'aucuns pourraient dire que tout cela se fait avec son lot d'erreurs, de biais, de dérives. Que nous sommes entrés dans la période de la fake news facile. Mais le mensonge a toujours été. L'erreur également. Si tout s'accélère, cela aussi. Le doute reste une valeur fondamentale, la vérification une capacité essentielle, la critique une nécessité.

Si nous avons un temps cherché à masquer tout cela derrière de la facilité d'usage, des cadenas verts, de la confiance parfois un peu trop aveugle en des acteurs parfois trop peu rigoureux, cela devra forcément changer. Oui, nous allons devoir nous réhabituer à ne pas prendre pour argent comptant une information parce qu'elle est disponible. Nous n'aurions d'ailleurs sans doute jamais dû le faire.

Là aussi des pans entiers de notre relation à l'information, ceux qui la produisent, ceux qui la diffusent, notre intérêt pour la réalité ou le confort d'une bulle sont à interroger.

Et maintenant ?

De manière plus pragmatique, qu'attendre de 2025 ? A titre personnel j'ai passé 2024 un peu la tête dans le guidon de mon nouveau poste, à discuter, comprendre, imaginer, construire. Pour les mois à venir, l'un de mes objectifs est de prendre plus le temps de partager tout cela, ici ou ailleurs. Et de dumper mes multiples projets open source qui occupent mes week-ends mais dorment sur des machines et dépôts privés.

Et comme vous, j'attend d'être un peu plus émerveillé par la transition en cours. Quelle sera la grande avancée technologique de 2025 ? La relation conversationnelle vocale aux IA assurément, mais quoi d'autre ? Les modèles vidéo, l'émergence d'un OS réellement pensé avec l'IA au centre, un grand pas de plus vers l'AGI ?

D'ici quelques jours, le CES de Las Vegas démarrera. NVIDIA et autres géants de la tech pourraient donner le ton de ce qui nous attend, ou pas. Ce secteur, bien que bouillonnant, a déjà vu ses monstres sacrés nous décevoir. Nous verrons bien.

Restant un passionné de hardware et de couches basses avant tout, j'ai hâte de voir ce que le secteur nous réserve. La révolution actuelle s'est dessinée en partie avec l'émergence de nouveaux accélérateurs dans les GPU, puis leur intégration aux CPU/SoC au fil des ans pour un usage local. Nous arrivons au bout de ce premier cycle et les acteurs concernés savent bien qu'il leur faut désormais se positionner pour le monde qui vient, pour ne pas être balayés comme certains de leurs prédécesseurs en l'an 2000.

Eux aussi vont devoir se réinventer dans cette période propice à l'émergence de nouveaux champions. Espérons d'ailleurs que, par delà les discours creux et déjà-vu, l'Europe saura faire émerger des joueurs de premier plan qui porteront ses valeurs. Nous en avons déjà, d'autres arrivent. Sachons être les acteurs de leur succès.


PS: Tout cela ne vaut que si la folie des Hommes ne finit pas par tout emporter. Espérons que nous ne verrons pas cela en 2025.

PS2: ce blog dispose désormais de son llms.txt et cette page est la première à être également disponible en markdown.